28.07.2023

L’acquisition de la totalité d’un immeuble en VEFA par un organisme HLM ou une SEM

Par Isabelle Chaudon, Notaire

Originairement, la vente en état futur d’achèvement de logements sociaux, au profit d’organismes HLM et Sociétés d’Economie Mixte (SEM), a vu le jour par l’adoption de la Loi d’Orientation pour la Ville n°91-662 en date du 13 juillet 1991. Il a fallu toutefois attendre la circulaire n°2001-19 du 12 mars 2001, pour obtenir des précisions sur ses conditions de réalisation. A ce titre, apparaissait alors le critère prépondérant d’un objectif de mixité sociale mais également, la nécessité d’acquérir une petite fraction des logements du programme de construction de l’opérateur privé.

La loi n°2009-179 du 17 Février 2009 a intégré au Code de la Construction et de l’Habitat (CCH) ce mode d’acquisition. L’article L  433-2  du CCH, dispose qu’un « organisme d’habitations à loyer modéré (…) ou une SEM peut (…) acquérir (…) des logements inclus dans un programme de construction, à la condition que celui-ci ait été établi par un tiers et que les demandes de permis de construire aient déjà été déposées (…) ».

En 2021, plus de 52% des logements sociaux construits, résultaient d’acquisitions de biens en état futur d’achèvement, par des organismes d’Habitat à Loyer Modéré (HLM). Cette tendance dans la production d’habitats à loyers modérés a généré plusieurs interrogations, tant sur le cadre juridique applicable que sur la compatibilité du mécanisme avec le respect des règles du Droit européen et du Droit français, notamment en matière de maitrise d’ouvrage public.

Les dispositions de l’article L  433-2 du CCH, n’excluant pas l’acquisition en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) de l’intégralité d’un programme de construction par un organisme HLM ou une SEM, nombre d’opérateurs privés ont saisi l’opportunité de ce marché. Certains en ayant même fait leur spécialité et devenant alors les interlocuteurs directs des élus et des aménageurs.

Des chartes locales entre des organismes HLM et opérateurs privés ont notamment vu le jour, occasionnant une inquiétude propre au respect du droit de la concurrence. Celles-ci portant sur la fixation de prix plafonds des acquisitions en VEFA, différents acteurs se sont interrogés sur leur compatibilité avec les dispositions de l’article L 420-1 du Code de commerce prohibant les conventions tendant à « limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises » ou à « faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ». Des actions en justice ont été engagées afin notamment d’obtenir la nullité de ces chartes.

Par un arrêt le 30 juin 2021 (pôle 5, ch. 4, n°19/15142), aux termes duquel des opérateurs privés demandaient notamment l’annulation d’une charte conclue entre plusieurs bailleurs sociaux de l’agglomération grenobloise, la Cour d’Appel de Paris  a considéré que « faute de démonstrations suffisantes par les demandeurs [opérateurs privés], qu’une charte ayant vocation à coordonner les bailleurs sociaux sur le prix d’achat des logements en VEFA, n’avait pas d’objet ou d’effet restrictif de la concurrence sur le marché local de l’agglomération ».

Malgré une acceptation jurisprudentielle de l’acquisition en VEFA de la totalité d’un programme de logements par un organisme HLM, certains acteurs comme la Préfecture de Seine-Maritime exprimait leur opposition et interdisaient de telles opérations. Il était donc nécessaire de lever le doute sur les conditions de validité de ce mécanisme.

Dans une réponse ministérielle n°2550 en date du 25 mai 2023, les critères d’appréciation de la légalité d’une acquisition en VEFA de la totalité d’un programme par un organisme HLM ou une SEM, ont été clairement exposés :

Une telle opération est légale, c’est à dire qu’elle ne constitue par un détournement des règles de la commande publique, dès lors que l’acquéreur a saisi une opportunité immobilière c’est-à-dire qu’il n’a pas influencé de manière déterminante les caractéristiques des ouvrages dont il se porte acquéreur.

Le ministère s’appuie sur un arrêt rendu par la Cour d’appel administrative de Nancy, 3ème chambre, le 15 avril 2021 (n°NC02073), aux termes de laquelle le juge administratif a admis que l’acquisition en VEFA de la totalité d’un immeuble par des organismes HLM ou SEM ne constitue pas un marché public de travaux, si :

    • l’opérateur privé a engagé les négociations avec l’acquéreur après le dépôt de la demande de permis de construire,
    • l’opérateur privé a engagé des négociations avec plusieurs acquéreurs potentiels
    • l’ouvrage ne comporte pas de caractéristiques particulières correspondant aux besoins spécifiques de la collectivité publique. Cette dernière ne doit pas avoir exercé une influence déterminante sur la nature ou la conception de l’ensemble immobilier, lequel n’a ni été construit à l’initiative de la collectivité publique ni en fonction de ses besoins, de sorte que l’opération ne peut être qualifiée de marché public de travaux.

Par cette réponse, les conditions juridiques propres à l’acquisition de la totalité d’un immeuble en VEFA par un organisme HLM ou une SEM ont été affirmées, confortant ainsi certains opérateurs privés dans leur spécialité.

En définitive, après plusieurs années nourries de doutes concernant la légalité de ce mécanisme, un positionnement clair semble se distinguer. Il n’en demeure pas moins qu’un encadrement légal et réglementaire plus étayé permettrait d’assurer la sécurité juridique de ces opérations qui portent de forts enjeux économiques.

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