28.09.2023

Droit de préemption – Demande de documents et de visite

Par Benoit VIEUX, Notaire associé

Une interprétation extensive des dispositions de l’article L213-2 du code de l’Urbanisme par le titulaire d’un droit de préemption.

A partir d’un cas pratique, analysons la situation résultant d’une demande de communication de documents / et du droit de visite dont bénéficie le titulaire du droit de préemption.

Dans le cadre de la vente d’un foncier à un promoteur, l’étude est notaire du vendeur et procède à la purge du droit de préemption urbain avec l’accord de l’acquéreur après discussion avec la Mairie sur son projet.

En bref :

La DIA a été adressée en Mairie le 23 avril, le terme du délai d’exercice du droit de préemption est donc le 23 juin et la signature de la vente est prévue le 1er juillet.

Le 14 juin nous recevons une demande de visite des biens conforme aux exigences légales (articles D.213-13-3 et D.213-13-4 du code de l’Urbanisme) : par courrier recommandé adressé au vendeur et au notaire mentionné dans la DIA.

Ledit courrier mentionne les conséquences de cette demande en terme d’option du vendeur et de délai, ainsi que les textes applicables, à savoir les articles D.213-13-2 et D.213-13-3 du code de l’Urbanisme.

La réception de cette demande a deux conséquences :

    • La suspension du délai : à réception du courrier, le vendeur, ou son mandataire, dispose d’un délai de 8 jours pour accepter ou refuser la demande de visite. Le défaut de réponse dans le délai de 8 jours est un refus tacite. Deux situations sont donc possibles :
    • Refus exprès ou absence de réponse : le délai de réponse reprend à compter de la date de refus exprès ou aux termes du délai de 8 jours ;
    • Acceptation de la visite : la visite doit avoir lieu dans les 15 jours calendaires de la réception de l’acceptation de la visite. Le délai de réponse reprend à compter de la date de la visite. Dans notre cas, le vendeur a accepté la visite par courrier du 20 juin.
    • La prorogation du délai : selon l’article L213-2 du code de l’Urbanisme «Le délai est suspendu à compter de la réception (…) de la demande de visite du bien. Il reprend à compter (…), du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d’un mois pour prendre sa décision.(…) ».
    • La suspension du délai rappelée ci-dessus étant de 8 jours maximum, pour le cas où la demande de visite avait été reçue au plus tard le 23 mai, le délai prorogé de ces mêmes 8 jours se serai arrêté le 1er
    • La demande ayant été reçue alors que le délai restant était inférieur à un mois, le délai est prorogé d’un mois à compter du 28 juin, date de la visite, soit jusqu’au 28 juillet.

Il s’agit là de notre analyse et de celle du Centre de Recherche d’Information et de Documentation Notariales (CRIDON).

Le jour de la visite, le titulaire du droit de préemption indique au vendeur que selon lui le délai de réponse est prorogé au 11 août.

Selon lui la prorogation était égale à la majoration légale d’un mois augmentée du nombre de jours ayant courus entre la date de la demande de visite et celle de la visite effective (14 jours entre le 14 et le 28 juin).

Nous suggérons au vendeur de ne pas réagir à cette information et interrogeons en urgence le CRIDON pour nous faire confirmer par téléphone notre analyse, ce qui fut le cas.

Puis le 22 juillet nous recevons une demande de communication de pièces complémentaires.

Elle aussi dans les formes, et aux termes de laquelle il est rappelé les dispositions de l’alinéa 5 de l’article L213-2 du code de l’Urbanisme, à savoir : « Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa (…). Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, (…). Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d’un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l’exercice du droit de préemption. »

Nous choisissons d’ignorer cette demande qui pour nous est faite hors délai ( puisqu’elle doit intervenir dans le délai de 2 mois non prorogé tel qu’expliqué infra) et conseillons au vendeur de ne pas l’évoquer.

Nous apprenons le 30 juillet que le titulaire va exercer son droit de préemption.

Je prends alors attache avec eux pour leur expliquer qu’ils sont hors délai pour préempter car leur analyse sur les prorogations de délai est extensive et donc erronée.

Bien qu’un doute existe, les services compétents confirment avoir toujours agi ainsi.

Finalement, nous recevons par courrier LRAR le 6 août, et par exploit d’huissier du 12 août, la notification de la décision d’exercice du droit de préemption pour le tiers du prix exprimé dans la DIA.

Entre temps nous avions reposé la même question au CRIDON pour obtenir une réponse écrite.

Tout le sujet étant de déterminer si le délai de deux mois peut être suspendu à 2 reprises, en utilisant le droit de visite puis la demande de communication de pièces ?

Un premier élément de réponse se trouve dans la date de notification de la décision de préemption.

En effet si le titulaire se pense dans son droit, le délai est normalement indéfiniment suspendu tant que nous ne lui avons pas adressé la dernière pièce qu’il est en droit d’attendre dans le cadre de la demande de pièces complémentaires.

Nous répondre avec empressement avant la date du 11 août, elle aussi erronée comme nous le verrons ci-dessous, signifie certainement qu’ils ne sont pas convaincus de l’efficacité de leur demande de pièce complémentaires.

Et en effet, l’article L213-2 précise : « Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles d’être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d’État »

L’article L. 213-2 prévoit donc que la demande de pièces complémentaires, lorsqu’elle est effectuée, doit l’être dans le délai de deux mois.

Cette demande de pièces complémentaires ne paraît donc pas pouvoir être effectuée dans le délai prorogé d’un mois par la demande de visite du bien ou plutôt, si la demande de pièces complémentaires reste toujours possible dans ce délai prorogé, elle ne paraît pas pouvoir avoir pour effet, au-delà du délai de deux mois initial, de suspendre ce délai. Le délai ne peut donc être prorogé qu’une seule fois.

Et s’agissant de la date à laquelle le délai reprend son cours, là encore c’est le même article L213-2 qui nous apporte une réponse : « Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d’un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l’exercice du droit de préemption. »

Dans notre exemple, le délai initial du 23 juin a été suspendu le 14 juin pour reprendre après 11 jours, prorogé d’un mois, le 28 juin (à la date de la visite). Le nouveau délai est donc fixé au 28 juillet.

Pour le titulaire, les 11 jours de suspension s’ajoutent au délai prorogé d’un mois, et donc jusqu’au 11 août. Or cela revient à compter deux fois le délai de suspension ce qui n’est pas prévu par les textes.

L’intention du législateur étant d’accorder un mois de réflexion au titulaire après réception des documents demandés ou de la visite tout en ne prorogeant pas indéfiniment le délai de préemption.

Pour limiter les effets de ces suspensions et prorogation, il faut tenir compte de la date à laquelle la demande est faite et de la nature de la demande.

Pour une demande de pièce nous ne pouvons nous y soustraire au risque de voir le délai prolongé indéfiniment dès lors que la demande est faite dans le délai initial et non prorogé une première fois de deux mois. Notre responsabilité sera engagée si nous tardons à y répondre.  A cet égard, notons qu’il est utile de prévoir dans l’avant-contrat que le vendeur donne tous pouvoirs au notaire pour

Pour une demande de visite, le délai ne peut être prorogé au maximum que d’un mois auquel s’ajoute le délai maximum de suspension, soit les 8 jours de réflexion du propriétaire et les 15 jours pour la tenue de la visite si la demande est faite au-delà du premier mois.

Votre notaire peut bien évidemment vous assister dans la computation des délais et les suites à donner aux demandes de l’administration.

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