18.10.2023

Droits de préemption du locataire d’un bien à usage d’habitation

Par Charlotte ANDUZE, Notaire et Tiphaine GARRET, Collaboratrice

En cas de vente d’un logement loué, priorité est donnée au locataire d’acquérir le bien qu’il occupe. Les droits de préemption instaurés au profit du locataire d’un bien à usage d’habitation sont au nombre de quatre. Le premier, prévu par la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, s’exerce au terme du bail dans le cadre d’un congé délivré par un bailleur entendant vendre le bien libre de toute occupation. Deux autres, régis par la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975, s’exercent en cours de bail et n’emportent pas la fin de celui-ci lorsque le locataire ne préempte pas. Enfin, le dernier, créé par les accords collectifs des 9 juin 1998 et 16 mars 2005, s’exerce dans le cadre d’une vente par lots de plus de dix logements dans un immeuble par une personne morale. Exposons plus amplement ces quatre droits de préemption.

I. – Droit de préemption du locataire lié au congé pour vendre

Ce droit de préemption du locataire suppose que le bailleur souhaite vendre le logement libre de tout occupant, d’où la nécessité d’un congé pour vendre qui obligera le locataire à quitter les lieux au terme du bail s’il n’exerce pas son droit de préemption.

Les biens concernés par ce droit de préemption sont les biens loués constituant la résidence principale du locataire. Il comprend également les locaux loués accessoirement au local principal par le même bailleur (exemple : garage, cave…)

Le droit de préemption du locataire n’est en revanche pas applicable dans le cadre de locations meublées, de biens occupés autrement que par un location (par exemple un usufruit), ou encore lorsque la vente intervient entre proches parents sous certaines conditions.

Pour être valable, le congé pour vendre doit être notifié par le bailleur au locataire :

    • soit par lettre recommandée avec avis de réception
    • soit par exploit d’huissier
    • soit par remise en main propre contre récépissé signé ou émargement

Ce congé doit être délivré au moins 6 mois avant la date d’échéance du bail (ou du premier renouvellement ou reconduction du bail dans certains cas).

À défaut le congé est nul et le bail est tacitement reconduit.

La lettre de congé doit préciser les éléments suivants :

    • le motif du congé (l’intention de vendre)
    • le prix et les conditions de la vente projetée
    • la désignation du logement loué et de ses éventuelles annexes louées.
    • L’énoncé des 5 premiers alinéas de l’article 15 II de la loi du 06 juillet 1989 (qui précisent les conditions de l’offre de vente au locataire).

Depuis le 1er janvier 2018, une notice d’information relative aux obligations du bailleur et voies de recours et d’indemnisation du locataire doit être jointe au congé pour vendre.

Ce congé pour vendre vaut offre de vente et le locataire dispose alors d’un délai de deux mois à compter de la réception de la notification pour exercer son droit de préemption.

Si le locataire accepte l’offre de vente, il doit le notifier au bailleur par  lettre recommandée avec avis de réception ou exploit d’huissier.

Il dispose alors, à compter de la date d’envoi de sa réponse, d’un délai de 2 mois pour réaliser la vente. Ce délai est porté à 4 mois si, dans sa réponse, il informe le bailleur de son intention de recourir à un prêt. Son acceptation de l’offre de vente est alors subordonnée à l’obtention du crédit.

Si le locataire refuse l’offre de vente ou ne répond pas dans le délai de 2 mois, le bailleur pourra vendre son bien à tout autre acquéreur, et le locataire devra quitter le bien aux termes du bail.

Enfin, si le locataire n’a pas donné suite à l’offre d’achat mais que le bailleur souhaite ensuite vendre le bien à des conditions ou un prix plus avantageux, un nouveau congé pour vendre avec offre de vente devra lui être adressé, valable un mois à compter de sa réception.

II. – Droit de préemption du locataire en cas de vente en bloc d’immeuble à usage d’habitation ou mixte d’habitation et professionnel

Ce droit de préemption applicable en cours de bail a été créé au profit des locataires en cas de vente dans sa totalité en une seule fois d’un immeuble comprenant plus de 5 logements affectés à un usage d’habitation ou mixte, professionnel et d’habitation.

Cette obligation de proposer en priorité à la vente leur logement aux locataires s’impose uniquement si l’acquéreur n’a pas l’intention de proroger les baux en cours pour 6 ans.

Ce droit de préemption bénéficie uniquement aux locataires personnes physiques titulaires d’un droit au bail. Celui-ci sera exclu lorsque la vente intervient au profit d’un parent ou d’un allié jusqu’au 4ème degré inclus.

Préalablement à la conclusion de la vente le bailleur informe chaque locataire ou occupant de bonne foi de la vente projetée (prix et conditions de la vente du bien occupé et de l’immeuble dans sa totalité, reproduction des termes de l’article 10-1, I, A de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 sous peine de nullité de la vente en bloc et joindre à l’offre de vente un certain nombre de documents). Cette notification adressée par lettre recommandée avec avis de réception vaut offre de vente à leur profit.

L’offre de vente est valable pendant une durée de 4 mois à compter de sa réception.
Le locataire qui accepte l’offre dispose à compter de la date d’envoi de sa réponse d’un délai de 2 mois pour réaliser la vente. Ce délai est porté à 4 mois si, dans sa réponse, il informe le bailleur de son intention de recourir à un prêt. Son acceptation de l’offre de vente est alors subordonnée à l’obtention du crédit.

Si la vente n’est pas réalisée dans ce délai, l’acceptation de l’offre est considérée comme nulle de plein droit, à moins que le preneur ne puisse établir que la réalisation tardive de la vente est imputable au bailleur.

Un nouveau droit de préemption s’ouvre lorsque l’immeuble fait l’objet d’une mise en copropriété, à la suite de la vente d’au moins un logement à un locataire ou à un occupant de bonne foi, et que le bailleur décide de vendre les autres lots occupés à un tiers à un prix ou à des conditions plus avantageuses. Une nouvelle offre de vente qui contient les nouvelles conditions de la vente et reproduit les dispositions de l’article 10-1, I, A doit alors être notifiée par le bailleur ou, à défaut par le notaire, aux locataires à peine de nullité de la vente. Cette offre est valable pendant un délai d’1 mois à compter de la réception de l’offre. Les options offertes au locataire sont identiques à celles prévues pour le droit de préemption initial.

III. – Droit de préemption du locataire en cas de vente du logement après division initiale ou subdivision de tout ou partie d’un immeuble par lots

La division ou subdivision d’un immeuble par son propriétaire est le fait de diviser l’immeuble en plusieurs appartements devenant des lots, ou à subdiviser certains lots (par exemple : un appartement divisé en deux appartements).

Ce droit de préemption, exercé en cours de bail, n’est ouvert au locataire que lors de la première vente suivant cette division ou subdivision totale ou partielle de l’immeuble par lots.

La vente doit par ailleurs porter sur un ou plusieurs locaux à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel,  ou encore sur des parts ou actions de société (sous certaines conditions).

les titulaires de ce droit de préemption sont les locataires, quelle que soit la forme du bail, son régime, qu’il concerne des locaux nus ou meublés, et que ces locaux constituent la résidence principale du locataire ou sa résidence secondaire. Les locataires devant être des occupants de bonne foi, il est nécessaire que les locaux soient effectivement occupés.

Le droit de préemption du locataire n’est en revanche pas applicable dans le cadre de ventes :

    • intervenant entre proches parents,
    • d’un immeuble entier ou sur l’ensemble des locaux à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel de ce bâtiment
    • intervenant au profit d’un organisme HLM
    • intervenant au profit d’une société d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux.

Le bailleur doit, préalablement à la vente, adresser au locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte d’huissier, une offre de vente mentionnant le prix et les conditions de la vente projetée pour le bien qu’il occupe.

Le locataire dispose alors d’un délai de deux mois à compter de la réception de l’offre de vente pour exercer son droit de préemption.

Si le locataire  accepte l’offre, il dispose alors, à compter de la date d’envoi de sa réponse, d’un délai de 2 mois pour réaliser la vente. Ce délai est porté à 4 mois si, dans sa réponse, il indique au bailleur son intention de recourir à un prêt. Son acceptation de l’offre de vente est alors subordonnée à l’obtention du crédit.

Si le locataire refuse l’offre ou ne répond pas dans le délai de 2 mois, le bien loué pourra être vendu à un tiers sans que cela n’emporte la fin du bail qui sera ainsi transmis au nouveau propriétaire.

Une fois l’offre refusée par le locataire, si le bailleur décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux, le locataire bénéficiera d’un second droit de préemption, valable un mois à compter de la réception de l’offre de vente.

IV. – Droit de préemption du locataire lors de la vente par lots de plus de dix logements

Il existe une procédure spécifique à suivre lors d’une mise en vente par lots de plus de 10 logements libres ou occupés dans un même immeuble par une personne morale (sociétés sauf SCI familiales).

Tout d’abord, le bailleur informe les associations de locataires représentatives si elles existent de son intention de vendre l’immeuble.

Puis une information écrite générale est adressée à chaque locataire pour organiser une réunion collective d’information relative aux modalités de la vente.

Ensuite le bailleur notifie une information personnelle à chaque locataire mentionnant les renseignements propres à son logement. Trois mois doivent s’écouler avant que le bailleur puisse purger le droit de préemption des locataires en envoyant une offre de vente.

Sous certaines conditions, il existe des possibilités de prorogation des baux, d’acquisition par un proche du locataire ou de relogement du locataire.

Conclusion

Dans chaque hypothèse, la législation a prévu des dispositions spécifiques permettant au locataire d’acquérir son logement sous certaines conditions avant tout autre acquéreur. La méconnaissance du droit de préemption du locataire par le propriétaire est constitutive d’une faute ouvrant droit à réparation et pouvant être sanctionnée suivant les cas par la nullité du congé, nullité de l’offre de vente ou la nullité de la vente à un tiers.

Le notaire, régulièrement confronté à ces problématiques, saura informer au mieux le propriétaire du droit applicable et du formalisme à respecter. Une consultation préalable à la mise en vente de son bien immobilier faisant l’objet d’un bail en cours permettra de mener à bien ses projets.

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