21.06.2023

Les différents délais de prescription des travaux réalisés sans autorisation dans une copropriété

Par Benoit VIEUX, Notaire associé

Il s’agit ici de rappeler ou préciser après quel délai des travaux réalisés par un copropriétaire ne peuvent plus faire l’objet d’une quelconque action par la copropriété.

Rappel des dernières modifications en la matière :

C’est l’article 213 de la loi ELAN qui, modifiant l’article 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété, a réduit le délai de prescription des actions personnelles nées de l’application de ladite loi, soit 10 ans, au délai commun de 5 ans de l’article 2224 du code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

Rappel des principes de l’application de la loi dans le temps

La loi s’applique immédiatement, mais elle n’a pas d’effet rétroactif. Cette règle est posée par l’article 2 du Code civil : « La loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif ».

Une des difficultés à résoudre est celle où la loi réduit un délai de prescription, ce qui est le cas de la loi ELAN.

Sur ce point, la réponse est expressément donnée par les dispositions transitoires prévues à l’article 26 de loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile qui figurent dans l’article 2222 du Code civil :

« En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ».

Impact de l’arrêt du 12 avril 2018

S’il a longtemps paru acquis que le point de départ du délai antérieur de dix ans devait être fixé au jour de l’infraction au règlement ou à la loi du 10 juillet 1965 – peu important donc la connaissance du titulaire de l’action –, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt n°17-12.574 rendu le 12 avril 2018, s’est infléchie de telle sorte que ce point de départ devait être fixé, comme en droit commun, au jour où « le syndicat avait eu connaissance » de l’infraction.

Au regard de cet arrêt, que le fait générateur de l’action personnelle ait eu lieu avant ou après la loi « ELAN », la date à prendre en considération pour fixer le point de départ de l’action personnelle devrait être, au moins par précaution, celle à laquelle le syndicat a eu ou aurait dû avoir connaissance de l’infraction.

Or, il est très fréquent en cette matière qu’il n’y ait aucun élément permettant de déterminer si, et à quelle date, le syndicat aurait pu avoir connaissance des faits concernés (tels un passage de procès-verbal d’assemblée générale abordant la question, un mail adressé ou reçu du syndic ou du conseil syndical visant ces travaux, etc.).

Tableau récapitulatif des différents délais de prescription en fonction de la date de réalisation des travaux ou de révélation de l’existence desdits travaux

Plusieurs cas de figures peuvent se présenter. Il convient de les analyser au regard de la date d’entrée en vigueur de la loi ELAN et des règles relatives à l’application de la loi dans le temps :

  • Tableau récapitulatif des différents délais de prescription en fonction de la date de réalisation des travaux ou de révélation de l’existence desdits travaux.

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Si le point de départ de l’ancienne prescription de 10 ans est antérieur de plus de 5 ans au 25 novembre 2018, la prescription s’éteindra suivant la durée prévue par la loi antérieure.

La durée ne peut en effet excéder la durée prévue par la loi antérieure. Or, si l’on appliquait le nouveau délai de 5 ans qui ne peut courir qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, la durée totale excèderait 10 ans, ce qui est exclu.

Si le point de départ de l’ancienne prescription est antérieur de moins de 5 ans au 25 novembre 2018, le délai nouveau de 5 ans s’applique, de telle sorte que le délai expirera le 25 novembre 2023.

Appliquer la loi antérieure reviendrait à faire survivre la loi ancienne et à continuer à donner un délai de 10 ans aux actions nées antérieurement à la loi. Dans ce cas de figure le délai de prescription initial de 10 ans est réduit par l’application du nouveau délai.

La problématique du point de départ suite à la jurisprudence de l’arrêt du 12 avril 2018 :

Le législateur a réglé la difficulté, en fixant un délai butoir qui court, quant à lui, à compter du jour de l’infraction, abstraction faite de sa connaissance effective. L’article 2232 du Code civil fixe ce délai à vingt ans :

« Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ».

 Ainsi, que les travaux aient eu lieu avant ou après l’entrée en vigueur de la loi « ELAN » et faute d’éléments de nature à déterminer si et à quelle date le syndicat a eu connaissance de l’infraction, il n’est possible d’avoir l’absolue certitude de l’expiration du délai de prescription de l’action personnelle de l’article 42 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965, que vingt ans à compter de l’infraction.

L’action réelle

Dans le cas où il s’agit pour le syndicat des copropriétaires de mettre fin à des atteintes aux parties communes, le critère de distinction entre action personnelle et action réelle se situe dans le fait de savoir si les agissements auxquels il s’agit de mettre fin constituent ou non une appropriation des parties communes. Ainsi, en cas d’appropriation d’une partie commune, l’action tendant à la faire cesser aura un caractère réel, Il s’agira de tous les cas où la prolongation de la situation serait de nature, si elle durait pendant plus de trente ans, à permettre au copropriétaire qui en est l’auteur de devenir propriétaire de la partie commune concernée par prescription acquisitive.

Est considérée comme réelle, l’action engagée à l’encontre d’un copropriétaire qui a construit sans autorisation sur une partie commune, spécialement lorsqu’un copropriétaire a édifié sans droit une construction sur une terrasse partie commune ; s’agissant de la nature de la construction litigieuse, toute construction élevée irrégulièrement sur une partie commune génère une action réelle.

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