31.01.2024

L’importance d’un contrat de mariage international

Par Pauline LACHICHE, Notaire

La signature d’un contrat de mariage est souvent la clé permettant d’adapter au mieux le régime matrimonial des époux à leurs enjeux patrimoniaux. Pour autant, le régime matrimonial n’est pas la seule question à aborder dans un contexte international, que les futurs époux soient de nationalité étrangère avec des biens situés en pays étrangers ou qu’ils se destinent à une expatriation pour des raisons professionnelles.

I – Les élections de choix possibles

Le droit de l’Union européenne permet au notaire français chargé de l’établissement d’un contrat de mariage de mettre en place des choix de loi applicable tant en ce qui concerne la loi relative au régime matrimonial, au divorce ou aux obligations alimentaires.

Les règlements européens du 24 juin 2016 n°2016/1103, du 20 décembre 2010 n°1259/2010 et le protocole de la Haye du 23 novembre 2007 permettent en effet de choisir entre autres la loi de la nationalité des futurs époux ou de la résidence habituelle de ces derniers. Ces choix de loi sont de portée universelle de sorte qu’il n’est pas nécessaire de désigner la loi d’un Etat partie à ces règlements ou Protocole international.

La loi applicable au régime matrimonial

S’agissant plus précisément de la loi applicable au régime matrimonial, les époux peuvent choisir aux termes de l’article 22 du règlement UE 2016/1103 du 24 juin 2016 le régime légal de la loi désignée ou tout régime conventionnel. On avisera les clients sur l’importance en cas d’expatriation de figer la loi qu’ils souhaitent voir appliquer car à défaut de choix dans un contrat de mariage, les règles de droit international privé et les législations internes étrangères pourront déterminer un régime matrimonial qui ne correspondait pas aux souhaits des futurs époux.

On mentionnera également que l’article 7 du Règlement susvisé permet aux futurs époux de désigner le juge compétent pour statuer sur les questions concernant leur régime matrimonial.

La loi applicable au divorce

L’article 5 du Règlement de l’Union européenne n° 1259/2010 du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps accorde aussi un choix aux futurs époux. Mais si la théorie est illimitée, le notaire se voudra pertinent dans son devoir de conseil en orientant les futurs époux vers une loi d’un Etat membre de l’Union européenne faute de quoi, le risque serait important que le choix réalisé ne soit pas respecté par un juge exerçant ses fonctions dans un Etat tiers.

La loi applicable aux obligations alimentaires

Les futurs époux peuvent convenir, aux termes de l’article 8 du Protocole de la Haye du 23 novembre 2007, de la loi applicable à leurs obligations alimentaires, tant pour statuer sur les questions concernant leur union que pour les suites de leur désunion quel que soit l’État de leur résidence ultérieure. La Cour de justice de l’Union européenne retient une conception large de la notion d’obligation alimentaire qui peut être aussi bien une pension alimentaire qu’une prestation compensatoire allouée au moment du divorce.

II- Sur le formalisme particulier à adopter

Etablir un contrat de mariage dans un contexte international demande le doigté de la haute-couture à savoir du sur-mesure. Le notaire se doit de penser à toutes les subtilités rédactionnelles qui permettront à l’acte d’être exécuté à l’étranger. Tout doit être mis en œuvre pour éviter la remise en cause du contrat de mariage.

La bonne compréhension de la langue employée

Les précautions de premier ordre visent à s’assurer de la bonne compréhension des époux et de la traduction assermentée du projet d’acte en présence de futurs époux ne maîtrisant pas suffisamment la langue française.

La teneur de la loi désignée

Le notaire rédacteur se doit aussi de penser à l’application à l’étranger du contrat par tout magistrat saisi. A cet égard, il semble primordial de mentionner le contenu de la loi désignée. Si les futurs époux font élection de la loi française et d’un régime de séparation de biens tel que régi par notre Code civil, il sera pertinent que les clauses soient suffisamment claires pour être comprises de tout juriste étranger. Le mécanisme des créances entre époux et leurs méthodes d’évaluation seront ainsi explicités en détails.

Les due diligences relatives à la forme du contrat de mariage

Un contrat de mariage établi entre futurs époux résidant en France n’est pas plus anodin. En effet, que les futurs époux soient de nationalité française ou étrangère, leur expatriation dans les pays situés en dehors de l’Union européenne et plus particulièrement dans un Etat soumis à la Common law demandera des précautions particulières. En effet, les juridictions de Common law sont favorables aux jugements en equity. Le risque serait donc réel pour un contrat de mariage de séparation de biens de droit français d’être écarté par un magistrat américain qui redistribuerait les biens entre les époux en totale méconnaissance du choix réalisé avant le mariage. Afin d’éviter cet écueil, il est nécessaire de questionner les clients sur leur avenir professionnel et leurs projets de vie. S’ils envisagent de s’installer aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, il sera prudent d’adopter les conditions de forme spécifiques au droit anglo-saxon à savoir un envoi de projet d’acte suffisamment long avant la signature pour respecter un délai de réflexion des futurs époux, l’assistance de chacun des époux par un avocat et un inventaire des biens des époux présents voire même à venir.

L’établissement d’un contrat de mariage dans un contexte international nécessite de s’entourer d’un notaire spécialisé afin de garantir dans la mesure du possible son exécution à l’étranger.

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