15.11.2022

La loi Aurillac

Par Hélène GRAS, Notaire et Pauline FAURE, Notaire associée

 

A l’occasion de la vente d’un immeuble entier, le notaire doit s’interroger sur les droits de préemption applicables.

Arrêtons nous sur la loi n°2006-685 du 13 juin 2006 relative au droit de préemption et à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation, dite loi Aurillac.

La loi Aurillac prévoit un droit de préemption en faveur des locataires d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte sur leur logement, à la double condition que l’immeuble soit vendu dans sa totalité et en une seule fois ; et que l’immeuble contienne plus de cinq logements affectés à un usage d’habitation ou mixte, professionnel et d’habitation.

 

Quelques précisions sont utiles.

 

D’abord sur le champ d’application de ce droit de préemption.

Tous les logements doivent être comptabilisés : qu’ils soient vacants ou occupés, et peu importe le régime juridique du bail (meublé/non meublé, résidence principale/résidence secondaire, occupant de bonne foi). Les dispositions de la loi Aurillac ne peuvent pas s’appliquer pour des personnes qui occuperaient des logements en vertu d’un titre autre qu’un contrat de bail (logement accessoire à un contrat de travail par exemple), ou au profit d’occupants sans droit ni titre.

Ce droit de préemption s’applique par exemple dans le cas d’un immeuble comportant des commerces au rez-de-chaussée, et plus de cinq logements aux étages supérieurs.

Le législateur n’a pas défini la notion de « logement » : la jurisprudence est venue préciser que sont comptabilisés les logements répondant aux critères de logement décent, tels que définis par le décret du 30 janvier 2002 : c’est-à-dire un local comportant au moins une pièce principale d’une superficie minimale de 9 m² ou d’un volume minimal de 20 m3, avec le raccordement au réseau d’eau courante, ainsi que la présence d’un système de chauffage et d’aération minimale.

Autrement dit, la définition du terme logement ne peut pas résulter des fiches de révisions foncière de 1970.

Sont exclus également : la loge de gardien (analysée comme une partie commune attribuée en raison de l’exercice d’une fonction), les chambres de service (analysées comme les annexes d’un appartement).

 

Ensuite sur sa mise en œuvre.

Une fois que l’on a déterminé si l’opération entre dans le champ d’application de la loi Aurillac, une alternative s’ouvre.

 

Soit l’acquéreur prend l’engagement de proroger les baux en cours pendant une durée de six ans. Le locataire en place bénéficie donc d’un report du terme de son bail, lui permettant d’occuper son logement pendant six ans supplémentaires à compter de la signature de l’acte authentique de vente.

L’engagement de prorogation des baux en cours doit alors figurer dans l’acte authentique de vente, qui devra lister l’ensemble des locataires concernés, sans que leur acceptation ne soit requise. A défaut du respect de ce formalisme, la vente sera nulle. Il s’agit ici d’une nullité relative, destinée à protéger les locataires, soumise à prescription quinquennale. La Cour de cassation (Cass. 3e civ, 12 novembre 2015, n°14-25.129) est venue préciser qu’il était possible de prévoir une note annexée à l’acte authentique de vente, listant l’ensemble des locataires.

Si l’acquéreur délivre ultérieurement un congé pour vendre à son locataire, alors ledit congé sera nul de plein droit (article 15 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989).

L’acquéreur peut toutefois décider de vendre l’immeuble occupé en totalité, ou lot par lot.

 

Soit l’acquéreur ne souhaite pas prendre l’engagement de proroger les baux en cours : alors un droit de préemption au profit des locataires s’ouvre.

Rappelons ici que les bénéficiaires de ce droit de préemption sont des personnes physiques uniquement.

En vertu de l’article 10-1 de la loi n°75-1351 du 31 décembre 1975, la notification doit être adressée par courrier recommandé avec accusé de réception (ou signification d’huissier), à chaque locataire. Des mentions obligatoires sont à relater dans le courrier (voir article 10-1, I, A de la loi précitée). Des annexes doivent être produites (projet de règlement de copropriété, dossier de diagnostics techniques).

A défaut de notification, ou en l’absence de la reprise des mentions obligatoires, la vente sera nulle.

Il existe des exceptions au droit de préemption prévu par la loi Aurillac. Le droit de préemption urbain ou le droit de préemption applicable dans le cadre des zones d’aménagement différé sont des droits prioritaires. Une vente au profit d’un parent ou d’un allié jusqu’au 4ème degré inclus, ou à une société d’HLM ou une société d’économie mixte n’entre pas dans le champ d’application de la loi Aurillac.

 

En conclusion, la loi Aurillac a un champ d’application large, permettant ainsi de protéger le logement des locataires au sein d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte.

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