16.11.2023

Le contrat de location saisonnière

Par Margot Coustillé, Diplômée Notaire et Benoit Vieux, Notaire associé

Outil de défiscalisation, souplesse dans la règlementation et loyer plus élevé : focus sur le contrat de location saisonnière.

Définition

La location saisonnière renvoie inévitablement au caractère « saisonnier » marqué par une période déterminée. Elle s’inscrit en opposition aux baux d’habitations qui servent à la résidence principale du preneur et qui sont règlementés par la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 visant à protéger l’accès au logement.

Afin de clarifier la notion de « saisonnalité », la loi n°2014-366 en date du 24 mars 2014, dite loi ALUR, considère qu’une saison ne dure qu’une période d’au maximum 4 mois.

La loi précise que la location saisonnière porte sur des « villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ».

Le contrat de location saisonnière se caractérise alors par la mise à disposition pour une durée maximale de 4 mois ou de 120 jours par an à titre onéreux d’un local meublé pour une durée déterminée au profit d’une personne qui n’y élit pas son domicile.

Le présent développement se bornera à l’étude du régime applicable aux locations saisonnières meublées et exclura celui des chambres d’hôtes, des prestations de voyages, des gîtes, des logements classés et des meublés de tourisme qui en tant qu’activité commerciale relèvent du régime applicable à l’hôtellerie ou à la parahôtellerie.

Règlementation liée au changement d’usage

Avant toute mise en location saisonnière, il conviendra de s’assurer que la règlementation concernant le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation visée par les articles L 631-7 à L 631-9 du Code de la Construction et de l’Habitation est bien respectée.

Ce régime est obligatoire dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Le notaire ou l’avocat chargé de la rédaction du bail, doit s’assurer auprès de la mairie que la législation n’a pas été étendue par le préfet sur la Commune de situation du bien.

La résidence principale du bailleur n’est pas concernée par la règlementation sur le changement d’usage.

Le non-respect de la règlementation est sanctionné civilement par la nullité du bail et pénalement par une amende d’un montant maximum de 50 000€. En l’absence de changement d’usage intervenu depuis le 1er janvier 1970, l’usage d’un local s’apprécie en fonction de celui auquel il était affecté à cette date. Dans un arrêt récent de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 7 septembre 2023 n°22-1801, il est affirmé que la simple déclaration postérieure au 1er janvier 1970 selon laquelle le local était occupé par son propriétaire, ne permet pas de faire présumer l’usage d’habitation du local. En l’espèce, la mairie de Paris avait assigné en référé une propriétaire afin d’obtenir le retour du bien à l’usage d’habitation aux moyens que cette dernière n’avait pas respecté la procédure de changement d’usage visée par le code de la Construction et de l’Habitation.

Déclaration en Mairie

La résidence principale du bailleur n’est en principe pas concernée par l’obligation de déclaration en mairie énoncée à l’article L.324-1-1 du Code du Tourisme. Cependant, les communes qui sont soumises à la procédure de changement d’usage ont la possibilité par décision du conseil municipal d’imposer une déclaration préalable soumise à l’enregistrement pour toutes les locations saisonnières, qu’elles constituent ou non la résidence principale du loueur.  Ainsi, cette règlementation qui s’applique majoritairement dans les villes de plus de 200 000 habitants permet à la Commune, jusqu’au 31 décembre de l’année suivante, de demander au loueur de lui communiquer le nombre de jours au cours duquel le bien a été loué.

A défaut de réponse dans le délai d’un mois, le loueur sera passible d’une amende civile. Les juges de la Cour de cassation précisent dans leur décision en date du 7 septembre 2023 précitée, que l’amende concerne uniquement les personnes qui mettent à disposition leur résidence principale.

Liberté rédactionnelle du contrat de location saisonnière

Afin de sécuriser la rédaction du contrat de bail, ce dernier doit être établi par écrit en privilégiant la règle du double original, indiquer l’identité du bailleur, son domicile ou son siège social, l’identité du locataire, la date de prise d’effet, la durée de jouissance, mentionner le montant du loyer et l’ensemble des charges, la destination, la surface habitable ainsi que le descriptif de l’appartement ou du local loué. Une variété de formules de contrats de location saisonnière existe, cependant le propriétaire bailleur ne peut s’exonérer de remplir ses obligations fondamentales telles que l’obligation de délivrance et la garantie de jouissance paisible. Bien que bénéficiant d’une grande liberté rédactionnelle, toute clause créant un « déséquilibre significatif » entre les parties sera considérée comme abusive et réputée non écrite. Tel est le cas d’une clause comportant une résolution discrétionnaire du contrat par le bailleur.

Un des avantages du régime de la location saisonnière est qu’il permet aux parties de prévoir une durée déterminée au contrat :  pendant cette période le bailleur est assuré de percevoir les loyers fixés et le locataire est garanti de la jouissance du bien.  En revanche les dispositions protectrices de l’ordonnance du 6 juillet 1989 ne s’appliquant pas, le locataire ne disposera en principe pas d’un délai de préavis et sera tenu au paiement de la totalité des loyers jusqu’au terme du bail même s’il quitte les lieux avant. Exception toutefois faite si un délai de préavis a été négocié lors de la rédaction du contrat de location saisonnière.

Sanctions en cas de non-respect du caractère temporaire

Le caractère temporaire étant le maître mot en matière de locations saisonnières, il ne fait nul doute qu’un contrat renouvelé par tacite reconduction au-delà des 4 mois visés par la loi ALUR serait requalifié en bail meublé à titre de résidence principale relevant du domaine de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989. Cette décision rendue par la 2ème Chambre Civile de la Cour d’Appel de Pau, en date du 30 juillet 1992, vient d’être récemment réaffirmée par les 1ere et 8ème Chambres Civiles de la Cour d’Appel d’Aix en Provence dans un arrêt du 14 juin 2023. Il en résulte que la prescription triennale de l’article 7-1 issu de la loi du 6 juillet 1989 est applicable en cas de requalification d’un bail saisonnier en bail d’habitation. Ainsi, en faisant valoir un faisceau d’indices permettant de justifier que le bien constituait leur résidence principale, les locataires ont obtenu d’une part la requalification du bail saisonnier en bail d’habitation, et d’autre part le remboursement du montant du loyer trop versé durant les trois dernières années. En effet, utilisée à bon escient la règlementation applicable aux locations saisonnières permet au propriétaire bailleur de pratiquer des loyers plus élevés durant les périodes estivales et/ou hivernales que ceux pratiqués pour les baux d’habitation à titre de résidence principale.

Fiscalité applicable

Juridiquement la location meublée est qualifiée d’activité civile et non d’activité commerciale.

Pour autant, la loi de finances rectificative pour 2016 et l’intégration des locations meublées au 5° bis de l’article 35 du Code Général des Impôts (CGI) traitent les revenus des locations meublées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

Le critère objectif du chiffre d’affaires de 23.000 € excédant les revenus du foyer fiscal permet de distinguer la catégorie des loueurs professionnels de celle des loueurs non professionnels.

Les recettes des loueurs non professionnels sont intégrées aux revenus fiscaux du foyer pour entrer dans le calcul du montant total de l’impôt sur le revenu. La déclaration s’effectue sur l’imprimé 2042 C de déclaration des revenus professionnels. Le Code Général des Impôts (CGI) prévoit une exonération de l’impôt sur le revenu (IR) pour les locations meublées sans élection de domicile du locataire et pour les loueurs non professionnels pratiquant la location meublée de leur résidence principale si les loyers ne dépassent pas 760 € par an. La règle de report des déficits pour les loueurs non professionnels est également différente se basant sur 10 ans au lieu de 6 ans (CGI, art. 156, I-1° ter).

Les recettes des loueurs professionnels peuvent être imposées dans la catégorie de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés ou encore du régime de la micro-entreprise. Une étude personnalisée du patrimoine du propriétaire permettra d’opter pour la stratégie fiscale la plus avantageuse.  Le régime des plus-values immobilières des loueurs en meublé non professionnels est celui des plus-values privées.

S’agissant des loueurs professionnels, ils sont soumis au régime des plus-values des professionnels visées aux articles 39 duodecies et suivants du CGI. Un régime d’exonération prévu à l’article 151 septies du CGI permet aux contribuables exerçant l’activité depuis plus de 5 ans et dont les recettes sont inférieures à 90 000€ d’obtenir une exonération totale ; pour les recettes inférieures à 126 000€, l’exonération peut être partielle.

Le contexte de pénurie des logements s’intensifiant il convient de rester vigilant aux ajustements fiscaux qui pourraient être apportées par la future loi de finances de 2024.

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