15.02.2024

Le lotissement

Par Gaëlle THOMAS, Diplômée notaire et Jérôme HOUZAI, Notaire associé

 

Focus sur le lotissement,

Ainsi que le confirme le Conseil d’Etat aux termes d’un arrêt en date du 29 novembre 2023 n°470788, (assoc. Défense de l’environnement), une opération consistant à détacher un terrain qui supporte déjà un bâtiment dont la démolition n’est pas prévue n’est pas un lotissement, même s’il est envisagé de l’étendre ou de lui adjoindre des annexes, éventuellement après une démolition partielle.

La jurisprudence est sans surprise. La division en deux lots caractérise un lotissement s’il est prévu d’implanter des bâtiments sur au moins l’un des deux lots.

En revanche, si l’opération ne consiste qu’à détacher un terrain où figurent déjà des bâtiments que le propriétaire n’entend pas démolir, et sur lequel il n’entend pas reconstruire, elle ne peut être qualifiée de lotissement.

Nous allons donc étudier la notion de lotissement, et voir ses applications au vu d’exemples concrets.

1- Définition du lotissement

1.1– Opérations constituant un lotissement

Article L.442-1 du code de l’urbanisme

« Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. »

A – La division d’une unité foncière

L’unité foncière

L’unité foncière se définit comme un « îlot d’un seul tenant composé d’une ou plusieurs parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision » (CE, 27 juin 2005, n° 264667, Cne    de Chambéry c/ Balmat).

Il est possible de déposer une demande de lotissement sur des unités foncières appartenant à des propriétaires différents dès lors qu’elles sont contiguës. Un lotissement ne peut donc pas être multi sites.

Par ailleurs, la demande de Permis d’Aménager (art. R.441-1 du code de l’urbanisme) ou la Déclaration Préalable (art. R.441-9 du code de l’urbanisme) « peut ne porter que sur une partie d’une unité foncière ».

La division

La division foncière doit intervenir en propriété (vente, donation, partage, succession…) ou en  jouissance (bail en vue de construire).

Si la division en jouissance a lieu sans transfert de droit à construire, elle ne constitue pas un  lotissement (CE, 7 mars 2008, n° 296287, « Commune de Mareil le Guyon »).

La réglementation du lotissement ne régit que les divisions du sol, elle exclut par conséquent les       divisions en volume (CE, 30 nov. 2007, n° 271897, Cne Strasbourg).

B – L’intention de construire

La procédure de lotissement implique que la division foncière soit réalisée en vue de l’implantation d’un ou plusieurs bâtiments, quelle que soit la destination du ou des bâtiments (habitation, agricole…).

Ainsi pour qu’il y ait lotissement, le ou les terrains issus de la division doivent soit être nus, soit supporter une ou plusieurs constructions destinées à la démolition en vue de sa/leur reconstruction.

1.2– Opérations ne constituant pas un lotissement 

Article R.442-1 du code de l’urbanisme

« Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à Déclaration Préalable ni à Permis d’Aménager :

 a) Les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d’aménager portant sur la création d’un groupe de bâtiments ou d’un immeuble autre qu’une maison individuelle au sens de l’article L.231- 1 du code de la construction et de l’habitation. »

Nota Bene : il s’agit des « divisions primaires », c’est-à-dire celles effectuées (par vente, location ou partage) par un propriétaire au profit de personnes ayant obtenu un Permis de Construire ou un Permis d’Aménager. La division doit donc intervenir postérieurement à l’obtention du permis.

Ce permis pourra porter :

    • sur un groupe de bâtiments quelle qu’en soit la destination ;
    • sur un seul bâtiment quelle qu’en soit la destination, à condition qu’en cas d’habitation, il s’agisse d’un immeuble collectif et non d’une maison individuelle au sens de l’article L.231-1 du code de la construction et de l’habitation.

« b) Les divisions effectuées dans le cadre d’une opération de remembrement réalisée par une association foncière urbaine autorisée ou constituée d’office régie par le chapitre II du titre II du livre III ;

Nota Bene : il s’agit des associations foncières urbaines dont le plan de remembrement a été approuvé par le Préfet. Les associations foncières urbaines libres (AFUL – articles L.322-1 et R.322-1 et suivants du code de l’urbanisme) ne sont pas concernées.

« c) Les divisions effectuées par l’aménageur à l’intérieur d’une zone d’aménagement concerté. »

Nota Bene : en revanche, les divisions effectuées par un acquéreur de lot ou d’îlot à l’intérieur de la ZAC constituent un lotissement.

« d) Les divisions de terrains effectuées conformément à un permis de construire prévu à l’article R*431-24

Nota Bene : il s’agit du permis valant division

« e) Les détachements de terrains supportant des bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis. »

«  f) Les détachements de terrain d’une propriété en vue d’un rattachement à une propriété contiguë ; »

« g) Les détachements de terrain par l’effet d’une expropriation, d’une cession amiable consentie après déclaration d’utilité publique et, lorsqu’il en est donné acte par ordonnance du juge de l’expropriation, d’une cession amiable antérieure à une déclaration d’utilité publique ; »

« h) Les détachements de terrains réservés acquis par les collectivités publiques dans les conditions prévues aux articles L.230-1 à L.230-6 ; »

« i) Les détachements de terrains résultant de l’application de l’article L. 332-10 dans sa rédaction en vigueur avant la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, ou de l’application de l’article L. 332-11-3. »

Nota Bene : il s’agit des détachements de terrains résultant d’un apport de terrain dans le cadre d’un plan d’aménagement d’ensemble (PAE) ou d’un projet urbain partenarial (PUP).

2– Champ d’application

Les lotissements sont soumis soit à :

    • Permis d’aménager (PA) (art. 421-19 a du code de l’urbanisme) :
      • s’ils « prévoient la création ou l’aménagement de voies, d’espaces ou d’équipements communs à plusieurs lots destinés à être bâtis et propres au lotissement. Les équipements pris en compte sont les équipements dont la réalisation est à la charge du lotisseur » ;
      • ou s’ils « sont situés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques, dans un site classé ou en instance de classement ; » (…)

Les sites patrimoniaux remarquables (SPR) regroupent les anciens secteurs sauvegardés, les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) et les aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP).

Déclaration préalable (DP) (art. 421-23 du code de l’urbanisme) :

    • s’ils n’entrent pas dans le champ d’application du a) de l’article R.421-19 du code de l’urbanisme et ce, dès le premier lot.
SANS voies, ni espaces, ni équipements communs (=sans travaux) AVEC voies et/ou espaces et/ou équipements communs
Droit Commun Déclaration préalable Permis d'aménager
En site protégé : * Sites Patrimoniaux Remarquables (SPR), * Abords des Monuments Historiques, * Site classé ou en instance de classement Permis d'aménager Permis d'aménager

2.1- Notion de lot

Un lot est une parcelle issue d’une division foncière destinée à être construite. Elle se situe factuellement à l’intérieur du périmètre du lotissement,

Il peut inclure une partie située en zone non constructible (Rép. Min. du 27/01/2009, JOAN, n° 11201) dès lors que les lots concernés par cette zone disposent d’une partie située en zone constructible

Les espaces communs, les voies, les reliquats bâtis… ne constituent pas des lots de lotissements.

2.2- Notion de voies internes du lotissement, d’espaces et équipements communs du lotissement

 A – Les voies internes du lotissement

 Une voie est considérée comme telle dès lors qu’elle dessert au minimum deux lots tandis qu’un accès n’en dessert qu’un seul (CE, 8 juin 1990, Cne Beddarides, n° 76190).

Elle doit être créée ou aménagée pour le lotissement et être commune à plusieurs lots à bâtir.

Nota Bene : c’est le nombre de propriétés foncières desservies qui importe et non celui de logements desservis.

Dès lors que des travaux permettant une servitude de passage sont réalisés au moment de la division, la servitude entre alors dans le champ des voies et espaces communs énoncés par l’article R.421-19 à condition que cette servitude présente les caractéristiques d’une voie (Rép. Min. n° 32270 du 07/04/2009, JOAN).

B – Les espaces communs du lotissement

 Un espace commun est un espace partagé (par opposition à l’espace privatif).

Exemples : voies de circulation, voies d’accès, aires de stationnement, aires de jeux, aires de tris, espaces verts…

Nota Bene : seuls les espaces communs créés lors de la division sont pris en compte.

C – Les équipements communs à plusieurs lots (à bâtir) et propres au lotissement

Ce sont les équipements de viabilité (travaux relatifs aux canalisations et aux réseaux) communs à plusieurs lots à bâtir, dont la réalisation est à la charge du lotisseur (il s’agit des équipements propres définis à l’article L.332-15 du code de l’urbanisme) et dont la gestion doit être organisée par lui-même selon les modalités prévues par les articles R.442-7 et R.442-8 du code de l’urbanisme.

Nota Bene : par définition, les branchements individuels ne sont pas des équipements communs

2.3 – Permis de construire tenant lieu de déclaration préalable (DP)

Article R.442-2 du code de l’urbanisme

« Lorsqu’une construction est édifiée sur une partie d’une unité foncière qui a fait l’objet d’une division, la demande de permis de construire tient lieu de déclaration préalable de lotissement dès lors que la demande indique que le terrain est issu d’une division. »

A – Objectif

La Déclaration Préalable de lotissement est une garantie apportée à l’acquéreur du lot, puisqu’elle atteste du caractère constructible du terrain et entraîne l’obligation de bornage ainsi que la « cristallisation » des droits à construire pendant 5 ans.

Si le Permis de Construire peut être accordé, il n’y a aucun intérêt, que ce soit pour la collectivité comme pour l’acquéreur, à réclamer l’exécution de la formalité oubliée.

B – Application

Cet article ne permet pas d’autoriser une division à venir, mais de régulariser une division réalisée avant le dépôt du PC qui n’a pas fait l’objet d’une DP, par exemple dans le cadre d’une vente (par acte notarié).

L’absence d’intention de construire (ou de démolir) est susceptible d’évoluer dans le temps.

Ex : un terrain nu peut avoir été détaché sans intention de construire, donc sans Déclaration Préalable, ou alors ne pas avoir été déclaré comme terrain à bâtir dans une Déclaration Préalable de division. Il en est de même pour un terrain supportant un bâtiment, initialement non destiné à la démolition.

Dans la pratique, la demande de permis sera instruite comme une demande classique, sans qu’aucune pièce supplémentaire ne soit exigée. Le permis accordé tiendra alors lieu de Déclaration Préalable (CAA Nancy, 23 janv. 2014, n°13NC00783).

Pour des questions de bonne administration, il conviendra de mentionner, dans la mesure du possible, les informations suivantes dans l’arrêté de PC :

Article 1 : le permis de construire est accordé

Article 2 : le permis de construire tient lieu de déclaration préalable de lotissement conformément aux dispositions de l’article R.442-2 du code de l’urbanisme

Dans les cas où l’information selon laquelle le terrain est issu d’une division n’apparaîtrait ni explicitement dans la demande (le formulaire ne prévoit rien à cet effet) et par conséquent ni dans l’arrêté de Permis de Construire, le bénéficiaire pourrait toute de même, en cas de besoin, se prévaloir ultérieurement de l’application de l’article R.442-2.

Nota Bene :  l’article R.442-2 ne s’applique pas aux lotissements situés dans le périmètre d’un SPR, dans les abords des MH, dans un site classé ou en instance de classement, dans la mesure où ceux-ci entrent dans le champ d’application du Permis d’Aménager (article R.421-19 a).

3– Schémas d’application

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