28.04.2023

Les cas d’exonération de l’impôt sur la plus-value immobilière

Par Bénédicte SERRE, Notaire et Laura BOUIGE, Diplômée Notaire

Je vends mon bien immobilier, vais-je payer un impôt pour le gain réalisé entre l’achat et la revente du bien ? C’est la grande préoccupation des vendeurs dans le cadre de la taxe sur la plus-value immobilière, à juste titre.

La multiplicité des règles et des dispositifs fait du régime fiscal des plus-values immobilières des particuliers une matière d’une grande technicité. Toutefois, de nombreux cas d’exonérations sont prévus par la loi, dont certains nécessitent un approfondissement compte tenu des différents cas de figure pouvant se présenter.

A) Résidence principale

La plus-value réalisée lors de la cession de sa résidence principale est systématiquement exonérée d’impôt. L’administration fiscale exige toutefois le respect de certains critères pour sa mise en œuvre, dans la mesure où l’exonération varie selon le contexte rencontré.

(i) Le cédant habite le logement lors de la vente

D’un point de vue fiscal, le logement est la résidence habituelle et effective. Autrement dit, il s’agit du lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l’année. Il s’agit d’une question de fait, il appartient à l’administration d’apprécier sous le contrôle du juge de l’impôt.

 (ii) Le cédant a quitté le logement peu avant la vente

La cession intervient dans un délai normal

Lorsque l’immeuble a été occupé par le cédant jusqu’à sa mise en vente, l’exonération reste acquise si la cession intervient dans des “délais normaux” et sous réserve que le logement n’ait pas, pendant cette période, été donné en location ou occupé gratuitement par des membres de la famille du propriétaire ou des tiers.

Aucun délai maximum pour la réalisation de la cession ne peut être fixé a priori. Il convient donc sur ce point de faire une appréciation circonstanciée de chaque situation, y compris au vu des raisons conjoncturelles qui peuvent retarder la vente, pour déterminer si le délai de vente peut ou non être considéré comme normal.

Dans un contexte économique classique, un délai d’une année constitue en principe le délai maximal. Cependant, l’appréciation de ce délai normal de vente est une question de fait qui est évaluée au regard de l’ensemble des circonstances de l’opération.

La condition tenant à l’occupation du logement à titre d’habitation principale jusqu’à sa mise en vente n’est pas toujours satisfaite en cas de séparation ou de divorce, notamment lorsque l’un des conjoints a été contraint de quitter le logement qui constituait alors sa résidence principale.

Dans cette hypothèse, lorsque l’immeuble cédé ne constitue plus à la date de la cession, la résidence principale du contribuable, il est admis que celui-ci puisse bénéficier de l’exonération sous deux conditions :

    • le logement a constitué la résidence principale des époux jusqu’à leur séparation ;
    • le logement a été occupé par l’un des époux jusqu’à la vente (ou la mise en vente).

Le bénéfice de l’exonération n’est subordonné à aucun délai particulier entre la date de séparation et la date de mise en vente.

Le départ des personnes âgées en hébergement spécialisé

Face à l’augmentation de l’espérance de vie, il est possible d’être confronté au départ de nos ascendants dans des structures d’hébergement (Ehpa, Ehpad, logement-foyer, petite unité de vie ou unité pour personnes désorientées) destinées à accueillir des personnes âgées. Le bénéfice de l’exonération est alors subordonné à plusieurs conditions cumulatives :

    • le contribuable ne doit pas être passible de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) au titre de l’avant-dernière année précédant celle de la cession ;
    • le revenu fiscal de référence des personnes concernées ne doit pas excéder un certain montant. Pour une cession en 2023, votre revenu fiscal de référence ne doit pas dépasser 27 891 € pour la première part de quotient familial (+ 6 516 € pour la première demi-part supplémentaire et 5 130 € pour les demi-parts suivantes) en 2021 ;
    • la cession doit intervenir dans un délai inférieur à deux ans suivant l’entrée dans un établissement.

Le déménagement hors de France

Compte tenu de l’expansion de l’expatriation, une exonération supplémentaire a été créée pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2019 : l’exonération en cas de transfert de la résidence principale hors de France.

Elle est effective dans le respect des conditions cumulatives suivantes :

    • le domicile du contribuable doit être transféré dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État ou territoire qui a conclu avec la France une convention en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale et en matière de recouvrement ; Pour savoir si vous êtes dans ce cas, vous pouvez consulter le site suivant : https://www.impots.gouv.fr/les-conventions-internationales ;
    • la cession doit être réalisée au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle du transfert par le cédant de son domicile fiscal hors de France ;
    • l’immeuble ne doit pas être mis à la disposition de tiers, à titre gratuit ou à titre onéreux entre le transfert du domicile et la cession ;
    • le cédant ne doit pas avoir déjà bénéficié de l’abattement de 150.000 € prévu sur la plus-value imposable lors de la cession d’un bien par un cédant non résident français.

(iii) L’extension de l’exonération aux dépendances du logement principal

L’exonération s’applique également aux dépendances immédiates et nécessaires cédées simultanément avec l’ immeuble constituant le logement principal.

Cette notion de dépendance immédiate et nécessaire est également applicable :

    • pour les garages situés à une distance inférieure à 1 km de la résidence principale ;
    • et pour les chambres de service situées dans le même immeuble que la résidence principale.

Lorsque l’acquéreur du garage ou de la chambre est différent de celui du logement d’habitation, la condition de cession simultanée est satisfaite si les ventes interviennent dans un délai normal.

B) Première cession d’un logement autre que la résidence principale

La plus-value réalisée lors de la première cession d’un logement autre que la résidence principale est exonérée sous réserve du respect des conditions cumulatives suivantes :

    • que le cédant n’ait pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des 4 années précédant la cession ;
    • que le cédant remploie le prix de cession, dans un délai de 24 mois à compter de la vente, pour l’acquisition ou la construction d’un logement affecté, dès son achèvement ou son acquisition si elle est postérieure, à son habitation principale. En cas de construction de la résidence principale sur un terrain, le cédant devra simplement justifier, dans les 2 ans de la cession : de l’acquisition du terrain, du dépôt d’une demande de permis de construire et de l’engagement de l’opération de construction.

En cas de remploi partiel, l’exonération de plus-value est proportionnée à la fraction du prix de cession qui est effectivement remployée.

C) Cessions inférieures ou égales à 15.000 €

Lorsque le prix de cession est inférieur ou égal à 15 000 €, le bien est totalement exonéré de la taxe sur la plus-value immobilière. Ce seuil de 15 000 € s’apprécie en tenant compte de la valeur en pleine propriété de l’immeuble ou de la partie d’immeuble concerné.

Des précisions sont toutefois à apporter lorsque le bien est détenu à plusieurs.

 (i) détention en pleine propriété

Si le bien immobilier cédé est détenu en indivision, le seuil de 15 000 € s’apprécie au regard de chaque quote-part indivise, quelle que soit la valeur totale du bien cédé. Il en est de même pour les couples mariés sous le régime communautaire, non soumis au régime de l’indivision.

Exemple : un immeuble est détenu en indivision, en pleine propriété, par deux personnes physiques.

A détient 20 % de l’indivision et B les 80 % restant. L’immeuble est cédé pour un prix total de 70 000 €.

Le montant de la cession s’élève donc :

    • pour A, à 14 000 € (70 000 € x 20 %) ;
    • pour B, à 56 000 € (70 000 € x 80 %).

A est exonéré d’impôt sur la plus-value (et de prélèvements sociaux) dès lors que le prix de cession (14 000 €) correspondant à sa quote-part indivise est inférieur au seuil d’imposition de 15 000 €.

En revanche, B est imposable puisque le prix de cession (56 000 €) correspondant à sa quote-part indivise est supérieur au même seuil.

(ii) détention en démembrement

En cas de cession isolée ou conjointe de l’usufruit ou de la nue-propriété d’un bien, le seuil de 15 000 € s’apprécie en tenant compte de la valeur en pleine propriété de l’immeuble cédé.

Pour la cession d’un droit démembré détenu en indivision, le seuil s’apprécie au regard de chaque quote-part indivise en pleine propriété.

Exemple : un immeuble dont la propriété est démembrée entre deux personnes physiques (A pour la nue-propriété et B pour l’usufruit) est cédé pour un montant de 30 000 €.

    • Ni A ni B ne peuvent bénéficier de l’exonération de l’impôt sur la plus-value (et de prélèvements sociaux) du chef du montant de la cession, dans la mesure où le montant total de la cession (30 000 €) est supérieur à 15 000 €, et cela quand bien même la part du prix de cession correspondant à la valeur de leur droit respectif serait inférieure à ce seuil.

D) L’exonération au titre de la cession d’un logement situé en France par un non-résident

 Attention, cette exonération n’est pas à confondre avec celle mentionnée ci-dessus concernant le cédant expatrié qui habitait le logement au titre de résidence principale jusqu’à son départ.

Il existe une exonération pour les plus-values réalisées au titre de la cession d’un logement situé en France par des personnes physiques, non résidentes de France, ressortissantes d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.

Cette exonération s’applique dans la limite d’une résidence par contribuable et de 150 000 € de plus-value nette imposable et à la double condition que :

    • le cédant ait été fiscalement domicilié en France de manière continue pendant au moins 2 ans à un moment quelconque antérieurement à la cession ;
    • la cession intervienne au plus tard le 31 décembre de la cinquième année suivant celle du transfert par le cédant de son domicile fiscal hors de France ou, sans condition de délai, lorsque le cédant a la libre disposition du bien au moins depuis le 1er janvier de l’année précédant celle de la cession.

Ces dispositions s’appliquent aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues depuis le 1er janvier 2014.

  

D’autres cas d’exonération sont prévus par la loi, non développés dans cet article, et mentionnés dans le tableau récapitulatif ci-dessous :

Cas d'exonération Mise en œuvre
Durée de détention 22 ans de détention d’un bien immobilier : exonération totale de l’impôt sur le revenu.(taux d’imposition 19%). 30 ans de détention d’un bien immobilier : exonération totale des prélèvements sociaux (taux prélèvements sociaux 17,2% ou 7,5% pour les non-résident sous certaines conditions).
Retraités ou invalides de conditions modestes Exonération à la double condition qu’au titre de l'avant-dernière année précédant celle de la cession : ● ils ne soient pas passibles de l'impôt sur la fortune immobilière, ● leur revenu fiscal de référence ne dépasse pas un certain seuil réévalué chaque année. La situation de famille s'apprécie à la date de la cession. Pour une cession en 2023, vous êtes exonéré si votre revenu ne dépasse pas 11 885 € pour la première part de quotient familial (+ 3 174 € par demi-part supplémentaire) en 2021.
Partage d'indivision conjugale ou de succession et assimilés Les partages suivants ne constituent pas des mutations à titre onéreux, dans la limite des soultes : ● biens reçus par succession ; ● biens acquis par des époux avant ou pendant le mariage ; ● biens acquis par des partenaires d'un Pacs avant ou pendant le pacte ; ● biens acquis par des concubins ; ● biens indivis issus d’une donation-partage. Ces partages ne sont pas soumis à l’imposition dès lors qu'ils interviennent entre les membres originaires de l'indivision, leur conjoint, des ascendants, des descendants ou des ayants droit à titre universel de l'un ou plusieurs d'entre eux.
Expropriation La plus-value peut être totalement exonérée à condition que le cédant procède au remploi intégral de l'indemnité principale dans l'acquisition, la construction, la reconstruction ou l'agrandissement d'un ou plusieurs immeubles.
Remembrement Certains remembrements urbains ou d'opérations d'aménagement foncier agricole, forestier et environnemental sont exonérés.
Exonération temporaire : Immeubles destinés au logement social Les cessions de biens immobiliers réalisées par des particuliers au profit d'organismes en charge du logement social, d’une collectivité territoriale ou de certains établissements publics, en vue de la cession ultérieure des biens à un organisme de logement social, sont exonérées. Actualité loi de finances 2023 : Ce dispositif d'exonération temporaire, déjà prorogé à plusieurs reprises, fait à nouveau l'objet d'une prorogation et s’appliquera ainsi jusqu'au 31 décembre 2023.
Exonération temporaire : Cession d’un droit de surélévation Les plus-values de cession d'un droit de surélévation en vue de la réalisation de locaux destinés à l'habitation bénéficient d'une exonération d'impôt sur le revenu, sous condition d’engagement de travaux d’achèvement de la part du cessionnaire. Actualité loi de finances 2023 : Ce dispositif d'exonération temporaire fait à nouveau l'objet d'une prorogation de deux ans et s'appliquera ainsi jusqu'au 31 décembre 2024.
    • Immobilier
    • Fiscalité

    17.01.2024

    Loi de finances pour 2024 : Nouvel abattement exceptionnel temporaire sur la plus-value de cession de terrain à bâtir

    La loi de finances pour 2024 a remis en place l’abattement sur l’impôt sur la plus-value immobilière, ayant pour vocation d’inciter les propriétaires de terrains constructibles à céder leur bien et d’apporter ainsi une nouvelle réponse aux problématiques engendrées par la crise du logement en France.

    Lire plus
    • Immobilier
    • Fiscalité

    31.03.2023

    Taxe sur les logements vacants

    Pour une meilleure utilisation des logements dans les centres urbains, la loi de finances pour 2023 du 30 décembre 2022 précise le champ d’application et les taux de la taxe sur les logements vacants. Découvrez l’article de Sacha Poupon, Notaire, à ce sujet.

    3 min
    Lire plus