24.03.2023

Location saisonnière : l’autorisation du bailleur n’exonère pas le locataire de s’assurer de l’usage du bien

Par Boris BLANC, Notaire

« TOUT LOUER EST D’UN SOT, TOUT BLAMER EST D’UN FAT ».

A lire l’arrêt rendu par sa troisième chambre civile le 15 février 2023 (Cour de cassation, 3e chambre civile, 15 Février 2023 – n° 22-10.187), on peut se demander si la Cour de Cassation n’a pas fait sien cet ancien proverbe français, du moins pour partie, pour l’appliquer à la matière notariale.

Aux termes dudit arrêt, la Haute Juridiction a confirmé que la sous-location par un locataire d’un local meublé destiné à l’habitation au mépris des dispositions de l’article L 631-7 du CCH, fut-ce avec l’accord du bailleur, est passible d’une amende prévue à l’article L 651-2 dudit code.

En cela, le proverbe – évidemment pris dans une autre acception – se vérifie ici : on ne peut donc pas tout louer et/ou sous-louer, sous peine de commettre une « sottise juridique » et encourir le « blâme » – qu’on n’oserait qualifier de « fat » – de la Cour de Cassation.

Aussi, et avant de s’attacher en détails audit arrêt, il convient de rappeler à titre liminaire que face à la prolifération récentes des plateformes numériques de type « Airbnb », la loi ALUR du 24 mars 2014 est venue encadrer les locations les meublés touristiques de courte durée, au moyen de dispositions qui varient selon que ces locations portent sur la résidence principale (1/) ou secondaire (2/) du loueur, propriétaire comme locataire.

 

Lorsque la location porte sur la résidence principale du loueur,

ce dernier dispose d’une totale liberté pour louer son appartement (dans la limite de 120 jours par an, consécutifs ou non) à une clientèle de passage, sans avoir à effectuer une quelconque déclaration en mairie ou à obtenir d’autorisation préalable de cette dernière. Cette liberté prévaut également pour locataire qui sous-louerait en meublé, sous réserve néanmoins d’en avoir été préalablement autorisé par son bailleur, conformément à l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989.

Toutefois, l’article L. 324-1-1, II, du Code du tourisme dispose que dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable ((i) communes visées par l’ articles L. 631-7 du CCH – soit les communes de plus de 200.000 habitants et communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne – et (ii) les communes auxquelles ce régime d’autorisation pourrait être appliqué en vertu de l’article L 631-9 du même code) . Pour ces communes, une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location de courte durée d’un local meublé.

 

Lorsque la location touristique porte au contraire sur un bien ne constituant par la résidence principale du propriétaire/locataire

(ou lorsque le propriétaire/locataire de sa résidence principale excède la limite de 120 jours de location par an) les règles deviennent plus contraignantes.

Outre l’obtention d’une déclaration obligatoire du meublé de tourisme et ce, quelle que soit la commune où il se situe, certains loueurs doivent de surcroît obtenir une autorisation préalable de changement d’usage de leur bien, lorsqu’il est situé dans l’une des communes visées par les articles L. 631-7 ou L. 631-9 du CCH susvisé.

 

En l’espèce, deux sociétés de droit français, respectivement propriétaire et locataire d’un local à usage d’habitation situé dans l’une des communes visées par les dispositions de l’article L 631-7 susvisé avaient été condamnées en appel au paiement d’une amende civile, pour en avoir changé l’usage en le louant de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, sans que n’ait été préalablement obtenu le changement d’usage du bien.

Devant la Cour, la société locataire a invoqué qu’aux termes de son contrat de location (plus précisément, qu’aux termes d’un avenant audit contrat de location), la société bailleresse l’avait expressément autorisée à procéder à des locations meublées de courte durée, qu’elle lui avait garanti la licéité de ce type de locations, et qu’il n’appartenait qu’au bailleur de s’assurer que l’autorisation du changement d’usage avait été obtenue.

Telle n’est pas la position de la Cour de Cassation, qui, en rejetant le pourvoi formé par la société locataire, est venue rappeler/préciser :

  • Qu’aux termes de l’alinéa 6 de l’article L 631-7 précité , le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens de cet article ;
  • Qu’aux termes de l’article L. 651-2 du même code, toute personne, y compris sous-locataire du bien, qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article, s’expose à une amende civile ;Et qu’il appartenait à la société locataire de s’assurer que l’autorisation du changement d’usage avait été obtenue, et que la garantie qui lui avait été donnée par son bailleur quant à la licéité des «locations meublées de courtes durées », ne pouvait l’exonérer de sa responsabilité.

En d’autres termes, la confiance n’exclut jamais le contrôle, y compris en matière de locations saisonnières !

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