29.05.2024

Présentation du projet de loi relatif au développement de logements abordables

Par Jérôme HOUZAI, Notaire associé

Le ministre du Logement a dévoilé, au début du mois de mai 2024, la version définitive de son projet de loi relatif au développement de logements abordables, dont l’objectif reste toujours la création d’un « choc d’offre »  dans un contexte de grave et profonde crise du logement. L’objectif, pour endiguer cette dernière, est que l’abondance de l’offre fasse diminuer les prix et loyers.

Le projet de loi, présenté en Conseil des ministres le 3 mai dernier, va commencer son circuit législatif. Il sera examiné par le Sénat à compter du 17 juin prochain, pour être examiné ensuite au second semestre de l’année par l’Assemblée Nationale, en vue d’une adoption définitive avant la fin de l’année 2024.

Quatre objectifs, donc quatre chapitres, déclinés en 14 articles structurent le texte :

  • « De nouveaux outils pour les élus bâtisseurs »
  • « Simplifier et accélérer les procédures »
  • « Renforcer les capacités de production des bailleurs »
  • « Faciliter l’accès au logement ».

Le présent article n’a pas vocation à analyser la pertinence des mesures figurant dans le projet de loi mais plutôt d’en décrire simplement le contenu, et donc les mesures proposées par le Gouvernement, tel qu’il résulte du projet avant son examen parlementaire. Ce texte étant déjà controversé par un certain nombre d’acteurs du secteur, il est fort à parier qu’il sera largement amendé lors de ses examens par les deux chambres.

Premier objectif : Offrir de nouveaux outils aux élus qui veulent construire :

Article 1 – Inclure dans les objectifs de production de la loi SRU, la construction de logements intermédiaires pour favoriser la mixité

Permettre aux communes actuellement déficitaires en logements sociaux d’atteindre une partie de leur objectif par la production de logements intermédiaires. Cet article vise à encourager les communes qui ont déjà réalisé un certain effort : il s’applique aux communes qui comptent plus de 15 % de logements sociaux (ou 10 % si leur objectif est de 20 %) et qui ont signé un contrat de mixité sociale avec l’Etat (dans lequel elles s’engagent sur une trajectoire et des moyens pour produire du logement social). En contrepartie de ces efforts, les communes concernées pourront comptabiliser leur production de logement locatif intermédiaire au sein des objectifs de rattrapage qui lui sont fixés (dans la limite de 25% des objectifs).

Article 2 – Permettre aux maires de décider de l’attribution des logements sociaux neufs

Donner aux maires la responsabilité d’attribuer les logements sociaux neufs. Dans le respect des règles nationales et dans le cadre transparent et collégial de la Commission d’Attribution de Logements et d’Examen de l’Occupation des Logements (CALEOL), le maire disposera, pour chaque logement neuf, du droit de classer les propositions faites par les réservataires et disposera d’un droit de véto, à motiver, sur les candidatures proposées par chaque réservataire sur son contingent. En outre, le préfet pourra déléguer au maire tout ou partie de son contingent de réservation pour les primo-attributions.

Article 3 – Créer un nouvel outil de préemption pour réguler les prix des terrains

Offrir un nouveau droit de préemption aux maires pour maîtriser l’évolution des coûts du foncier. Ainsi, si la cession d’un terrain ou d’un bien est objectivement déconnectée des prix du marché, les maires pourront préempter les terrains vendus trop chers, comme cela se pratique déjà pour les terrains agricoles. L’article permettra aussi de prolonger la durée de validité des zones d’aménagement différé (ZAD), dans lesquelles les collectivités constituent des réserves foncières pour des projets futurs.

Deuxième objectif : Simplifier les procédures administratives pour construire plus vite :

Article 4 – Réduire de 4 mois les délais de recours pour construire des logements plus rapidement

Raccourcir les délais de recours concernant les autorisations d’urbanisme, comme les permis de construire, afin de produire plus vite. L’article réduit les délais à un mois pour le recours gracieux et à un mois pour la réponse de l’autorité. Il supprime l’effet interruptif des recours en justice après recours gracieux, et accélère donc le processus d’approbation des projets de construction.

Article 5 – Offrir aux élus la maitrise de la densification pavillonnaire douce pour encourager la construction

Faciliter la densification douce des zones pavillonnaires. Les collectivités pourront définir des orientations d’aménagement favorables à la densification douce et déployer des opérations de transformation urbaine. La densification douce sera gagnante pour le quartier qui verra s’installer des commerces et des services de proximité, gagnante pour les propriétaires qui auront un complément de revenus, et gagnante pour la planète avec du foncier optimisé.

Article 6 – Simplifier les démarches d’aménagement global du territoire

Permettre de ne déposer qu’une seule autorisation pour plusieurs projets, grâce à l’outil du permis d’aménager multi-sites. Initialement expérimenté en 2018 pour certains projets, ce permis d’aménager sera désormais accessible pour plusieurs sites non contigus pour la construction de logements, de magasins et de services publics. Il permet d’optimiser l’espace en prenant en compte le bâti existant tout en maîtrisant l’artificialisation des sols.

Troisième objectif : Libérer l’investissement dans le logement abordable

Article 7 – Augmenter la production de logement intermédiaires

Doubler le volume de logements intermédiaires que les bailleurs sociaux peuvent détenir directement, à hauteur de 20 % de leur parc de logements locatifs sociaux (contre 10 % aujourd’hui). L’article prévoit également de dégager des ressources en facilitant la revente de logements intermédiaires à des opérateurs dédiés, permettant ainsi aux bailleurs sociaux de réinvestir rapidement les fonds dans de nouveaux projets de construction ou de réhabilitation.

Article 8 – Améliorer le pilotage des loyers des logements sociaux

Permettre un pilotage juste et efficace de la politique des loyers du parc social. Les bailleurs sociaux qui le souhaitent pourront ajuster les loyers des logements anciens à la relocation, dans le respect des plafonds réglementaires applicables aux logements neufs. Cette faculté ne pourrait s’exercer qu’à la relocation, sans impact donc sur les locataires en place, et sans impact sur les loyers maximums de l’offre actuelle, qui ne changent pas.

Article 9 – Encourager les bailleurs à trouver des solutions financières avantageuses pour la construction de logements

Favoriser les montages publics-privés entre bailleurs et promoteurs, et diversifier les ressources propres des bailleurs pour leur permettre de vendre jusqu’à 50 % de leur production de logements à des investisseurs ou particuliers.

Quatrième objectif : Faciliter l’accès au logement des Français

Article 10 – Accélérer l’accès au logement des travailleurs

Rendre l’accès au logement social plus facile pour les travailleurs, qu’ils soient du secteur privé ou public. L’article permet au préfet de confier une partie des attributions de logements sociaux à Action Logement, qui pourra loger davantage de ménages fragiles salariés dans les zones où l’emploi est tendu.

Article 11 – Renforcer la mobilité résidentielle

Dans un souci de justice, renforcer la mobilité résidentielle pour que les logements sociaux soient occupés par ceux qui en ont le plus besoin. L’article réduit de 50 % à 20 % le dépassement de plafond de ressources applicable dans le parc social. Il prévoit de prendre en compte le patrimoine des locataires, pour ceux qui ont pu constituer un patrimoine qui leur permettrait de se loger en dehors du parc social. Également, il responsabilise les bailleurs sociaux en prévoyant des sanctions pour ceux qui ne réaliseraient pas l’examen périodique de la situation des locataires pour s’assurer que ceux qui ne remplissent plus les conditions de ressources libèrent leur logement.

Article 12 – Renforcer les compléments de loyers pour les locataires dont la situation s’améliore

Renforcer les compléments de loyers pour les locataires dont la situation s’améliore, par le biais du dispositif de supplément de loyer de solidarité (SLS), existant depuis 1958 et renforcé pour la dernière fois début 2017. L’article abaisse son seuil de déclenchement et limite les exemptions possibles. Les ménages qui dépassent les plafonds de ressources du logement social, s’ils souhaitent rester dans le parc, contribueront donc davantage au financement des logements.

Article 13 – Etendre le bail mobilité au parc social pour les personnes en besoin de logement pour une courte durée

Étendre le bail mobilité au parc social pour offrir une solution de plus à ceux qui se forment, sont en apprentissage ou en mutation professionnelle. Inspiré de la loi ELAN de novembre 2018 qui a introduit le bail mobilité dans le secteur locatif privé, cet article étend ce bail au logement social et adapte la législation des attributions, pour garantir une réactivité dans l’attribution du logement.

Article 14 – Faciliter la vente des logements sociaux

Confier au maire la responsabilité d’autoriser la vente directe aux locataires du logement social, en supprimant les autorisations préfectorales et en sécurisant la gestion des copropriétés.

Haussmann Notaires vous informera après adoption du texte car, à n’en point douter, il sera largement amendé au cours de son processus législatif !

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